Catégorie : Zambie
Magie noir et victoire
En arrivant à Lusaka, j’ai réalisé que la finale de la coupe d’Afrique des Nations des moins de 20 ans avait bientôt lieu, ici même! En apprenant cela, je me mets à la recherche d’un billet. L’employé de l’auberge m’aide à m’en procurer un grâce à l’un de ces amis, car la billetterie a été rapidement dévalisée, l’équipe du pays étant qualifiée pour la finale.
On m’a conseillé de m’y rendre tôt, car la fête s’annonce grande et la bataille pour les places rude. Avant de me mettre en route, je discute longtemps avec un vieux fermier afrikaner, qui m’annonce avoir trouver un remède microbien comme alternative aux les pesticides agricoles. Il m’annonce être sur le point de révolutionner l’agriculture. Pas sur que Syngenta et les autres entreprises leader dans la région ne l’entendent de cette oreille.
Je pars ensuite à pied depuis le centre ville pour me rendre au stade. Plus je m’approche, plus le nombre de maillots verts augmentent. Mais je m’attendais tout de même à plus d’engouement. Un ou deux petits garçons me suivent quelques mètres, devinant ma destination. Ils me demandent, les yeux pleins d’espoirs, que je les emmène avec moi. Malheureusement c’est impossible, les prix flambent au marché noir et je ne peux pas me le permettre. J’arrive alors au pied du « National Heroes Stadium », nommé en l’honneur de l’équipe de Zambie victime d’un crash d’avion en 1993. L’enceinte est flambant neuve et clinquante, offert par la Chine pour ses proches partenaires commerciaux. Des vendeurs en tous genres profitent de l’occasion pour faire marcher les affaires. J’hésite à acheter un maillot. Si la Zambie gagne, j’en prendrais un en revenant.
La sécurité est basique mais plutôt bien organisée étonnement. Le stade est magnifique. Orange depuis l’extérieur, à l’intérieur les tribunes sont bleu et rouge. Tout est prêt pour accueillir les 60’000 personnes attendues. Même si le stade est presque vide à mon arrivé, il se rempli doucement et cela se remarque au volume sonore, porté par les vuvuzelas.
Après la petite cérémonie d’ouverture, la petite finale se prépare à avoir lieu, opposant l’Afrique du Sud à la Guinée.
Lorsque ce match sans grand enjeu se termine, le stade se rempli vraiment. Même s’il était acquis à l’Afrique du Sud pour le premier match, elle s’est inclinée 2-1. Le niveau m’a paru relativement faible, peut-être l’enjeu n’était pas suffisant pour galvaniser les jeunes joueurs. À noter quand même la présence d’une fanfare lors du premier acte de cette journée pour animer cette première rencontre. Les africains savent faire la fête, même avec si le cymbaliste n’est absolument pas à son affaire. Mais, la bière semble faire partie intégrante de la fête.
Lorsque les finalistes arrivent sur le terrain, le stade est plein à craquer. Les locaux entrent sous des applaudissements tonitruants, alors que les gens hurlent et tapent sur les sièges de manière à faire vibrer toute la structure flambant neuve du stade. J’ai rarement vu autant d’ambiance, et sincèrement ça prends au tripes. Je m’attends à plus encore pour la suite, surtout si les jeunes zambiens remportent la compétition. La pression sur ces jeunes de 19 ans doit être énorme et folle à vivre.
La première mi-temps se termine sur un score de 2-0 pour les locaux! Le Sénégal avait l’air sur de lui, mais les 60’000 voix qui hurlent dès que quelque chose se passe sur le terrain semblent donner des ailes aux zambiens. Même si les buts sont plutôt roublards, c’est eu qui ont le plus d’envie de victoire. Avec une aile gauche en feu et un numéro 11, lumineux, qui marque le second but de la rencontre. Le stade à littéralement explosé lors du premier but et tout mes voisins parient déjà sur un 4-0… À voir, car avec le début de match du Sénégal, ce n’est pas sur si ils se ressaisissent. Ils ont l’air encore capables de retourner la situation.
Un autre élément qui m’a grandement étonné est l’importance qu’a pris le président zambien au début de la rencontre. Je suis d’accord sur le fait qu’on puisse encourager ses joueurs mais pas à 3 minutes de l’envoi et surtout sans avoir un tapis rouge déployé à la sortie des vestiaires. Mais l’Afrique semble trouver ça normal et même l’encourager.
Lors de la seconde mi-temps, un énorme scandale sur le terrain mais aussi dans les tribunes éclate. La raison ; tout le monde est persuadé que les sénégalais utilisent des gris-gris (Djoudjou ici). Le public fait semblant de leur lancer des sorts, mais certains préfèrent jeter des vraies bouteilles et tout ce qui leur passe sous la main. Mais pas leurs vuvuzelas malheureusement. Tout le stade est scandalisé, choqué par ces actes de sorcellerie. Étonnant. Tout le monde se prétend pourtant chrétiens, et ne devrait alors pas croire en ce genre de pratiques. Mais les choses sont plus compliquées en Afrique. ( https://www.youtube.com/watch?v=7X_dVRGPTmo ).
Le score ne bougera finalement pas, malgré un Sénégal dominateur. La Zambie joue en contre et reste tout de même dangereuse. Mon seul reproche est un reproche d’ordre moral, éthique. La Zambie ne joue plus à la fin du match et les joueurs passent leurs temps au sol, faisant même parfois venir la civière. Mais bon, quand même la finale de la vraie CAN voit se passer des scènes pareilles, ce comportement est compréhensible. Il est étonnant de noter qu’au début et à la fin de la rencontre, les joueurs ont prié, un genou au sol, tous ensemble. Encore un aspect étonnant.
Le public quand à lui est beau lorsqu’il fête, mais triste lorsqu’il siffle et hue les adversaires, qui plus est les perdant du jour. Il est dur d’être impartial mais quand autant de gens sifflent, ça devient presque triste.
Mais la fête est incroyable! À la sortie du stade c’est l’anarchie. Tout le monde danse, chante, klaxonne. En voyant l’embouteillage qui immobilise la ville, je décide de rentrer à pied, comme les gens d’ici. On me regarde avec l’air incrédule mais on m’accueille très bien dans ce flot humain. On me tape dans la main, m’invite à faire la fête.
Le pays se dit chrétien, mais je pense que la religion générale est, comme à beaucoup d’endroits, celle du ballon. En tout cas la fête est toujours belle, que ce soit à la prison centrale de Bukavu, dans un champs pentu, dans le désert, dans un quartier défavorisé d’Istanbul ou dans un des plus beau stade d’Afrique. Le foot est universel et omniprésent. C’est un fil rouge qui me suis tout au long de ce voyage. Son apogée se découvre ici, dans la victoire et la fierté.
La ceinture de cuivre
Depuis mon arrivée dans le Copperbelt, je me demande où on peut trouver le fruit de la croissance. Après un voyage plus long que prévu dans le « bush » zambien, je prends mes quartiers dans une « guest house » pourrie à la périphérie de la ville de Ndola. La pauvreté est omniprésente alors que la ville qui constitue le centre économique du pays. Mais j’aurais dû m’y attendre. Des mines et du travail ne riment pas avec une situation hors du commun, dans un pays où le taux de chômage avoisine les 60%. La présence massive d’entreprises chinoises n’est pas là pour améliorer les choses.
Je passe mon premier jour à récupérer de mon dur trajet jusqu’ici. Les seuls signes de l’économie florissante de la région sont le petit centre commercial dans lequel je me rends, les camions qui pourrissent l’atmosphère à côté de mon gîte et les avions flanqués de drapeaux sud-africains qui n’arrêtent pas d’atterrir sur le tarmac avoisinant. Je discute un peu avec les autres personnes présentent à l’hôtel. Mais le moment fort de la journée restera le match inoubliable de « Champions League » entre le Barça et le PSG. Match que j’ai dû regarder sur mon téléphone, car les alentours de mon hôtel durant la nuit ne sont pas très accueillants ni sécurisants.
Le lendemain, je me mets en marche pour la ville, peut être contrera-t-elle mes premières impressions. Le chemin est long, je suis à plus de trois kilomètres du centre-ville. À mi-chemin, j’aperçois un golf qui ne semble ne rien avoir à faire à deux pas d’une banlieue misérable. La saison des pluies a fait déborder le cours d’eau voisin. Je suis accueilli en ville par un grand centre commercial d’une enseigne Sud-africaine. En marchant sur une longue allée rectiligne, je commence à remarquer la proximité qu’a pu avoir ce pays avec les régimes socialistes. Les bâtiments sont grands et carrés, avec quelques étages. Le centre-ville est constitué de deux longues allées parallèles, autour desquelles s’agglutinent de petites maisons. Le gare marque la fin de ces deux artères poussiéreuses. Elle relie la ville aux autres lieux importants de l’industrie minière. J’apprends aussi la ligne de train mythique « TAZARA », qui relie la Zambie (le Copperbelt) à Dar es Salaam, a été presque complétement financée par les régimes socialistes. La guerre froide et la guerre des ressources n’a aucunement épargné l’Afrique et lors de l’indépendance de ces deux pays, la Chine et l’Union soviétique se sont précipités pour lier des liens avec les indépendantistes à tendance socialistes. La Zambie n’avait aucun accès à la mer et cette ligne ferroviaire la relie alors directement à l’océan Indien, en passant par un pays allié politiquement. Les anglais et portugais ayant gardé plus longtemps leurs possessions australes, ces deux acteurs ne sont pas à négliger dans la balance est/ouest.
Je cherche alors le seul musée de la ville, documentant la région du Copperbelt. Juste derrière la Banque Nationale, qui à elle seule permettrait de renommer la ville en « Ndolagrad », je trouve alors mon but. Derrière une petite vitre défraichie, je passe au guichet. La dame se lève ensuite pour m’accompagner à l’entrée et me montrer les salles. Aux vues de cette initiative, je m’attends donc à pénétrer dans un musée bien entretenu. Je me trompe une fois de plus. Deux salles le compose, une sur la culture ancestrale du pays, qui n’est absolument pas précise puisque le pays compte plus de 70 groupes ethniques, l’autre concerne l’activité minière du pays, très mal documentée et surtout relevant des informations particulièrement pointues à côté d’autres insignifiantes. J’ai failli oublier de vous parler de la salle contenant des jouets en fils de fers, qui sert à prouver l’ingéniosité des artistes locaux. Je retiendrai en sortant que le pays est le neuvième plus grand producteur de cuivre du monde, mais aussi l’exportateur d’une myriade de pierres précieuses et d’un peu d’or. J’ai aussi été marqué par le fait que ces matières premières sont achetées à un prix préférentiel par la Chine. Je comprends mieux pourquoi tous les mandats que j’ai pu voir sur les routes où les bâtiments sont donnés à des firmes chinoises. En échange de projets de développement, ils peuvent acheter et même extraire une partie cuivre nécessaire à leurs activités économiques. Cet exemple zambien ne fait que refléter la réalité africaine actuelle.
On sortant, je me ballade encore dans la ville, qui ne se démarque pas vraiment des autres villes africaines, en dehors d’une architecture un peu différentes et d’un grand nombre de bureau d’entreprises. Je suis alors surpris par la pluie, une des plus forte de mon séjour africain. Je me réfugie alors dans un centre commercial et découvre ce que la rue ne montre pas. Ici se rencontre une partie de la classe moyenne et supérieure, ainsi que les nombreux expatriés de la région. Ceux à qui l’économie profite, en somme. C’est quelque chose d’assez nouveau pour moi, qui ne suis pas particulièrement friand des après-midis au centre commercial. Mais ce passage à le mérite de me montrer ce que je m’attendais à voir en plus grande quantité : un niveau de vie plus élevé de par l’activité économique. Dans cette enceinte qui aurait très bien pu se trouver en Europe où en Amérique, je me rends compte que les ressources peuvent aussi profiter à une partie de la population, infime mais existante.
Mais lorsque j’en sors pour aller à mon hôtel, je retombe dans la banlieue détrempée par la pluie, coulante de crasse et de déchets. Ces gens sont ceux des campagnes, qui ne savent pas lire ou écrire. Ceux qui sont venus ici dans l’espoir d’atteindre ce que je viens d’observer, en travaillant dans une mine pour un salaire de misère. La Chine, par exemple, importe ces conditions de travail : revenu à la journée, horaires horriblement longs. Emile Zola ne serait pas en manque de matière ici, si il avait la volonté d’écrire la suite d’un de ces plus important roman. Le géant asiatique exploite les ressources et la main d’œuvre.Alors je vois que même si certains vivent plus que correctement du cuivre, la majorité doit toujours se serrer la ceinture.