Je crois que passer Noël en t-shirt est une idée qui fait sourire beaucoup d’occidentaux. Je dois vous avouer que c’est plutôt agréable. La famille « Evode » d’Entebbe m’a invité à passer les fêtes avec eux dans leur famille au Rwanda. Les retrouvailles sont touchantes, même cela ne fait que deux semaines que nous nous sommes quittés. Toute la fraterie va bien et on est ravi de se retrouver. On discute alors un petit moment dans le salon, avec inévitablement la télévision bruit de fond.
Après un petit moment, Evode me propose de l’accompagner en ville pour y faire quelques courses. J’accepte alors, ravi et intrigué par cette ville qui s’annonce étonnante. Les routes sont parfaites, les rues propres, les panneaux de signalisation existants. Le centre-ville a des airs d’occident, avec de hauts buildings de verres flambants neufs. La circulation est fluide. Beaucoup de détails qui détonnent avec les capitales voisines. La ville est construite sur de nombreuses collines ce qui semble être un endroit très peu pratique pour accueillir une capitale. Mais il faut tout de même avouer que cela apporte un petit charme à la cité. Evode m’explique aussi le plan actuel du gouvernement, qui est de refaire complétement la colline principale du centre-ville. Toutes les anciennes bâtisses, les petites usines coloniales, les entrepôts et les maisons vont être détruites au profit de ce plan de développement du centre urbain. Il m’assure que toutes les personnes ainsi que les entreprises et personnes lésées par ce plan seront indemnisées, sans qu’elles n’aient toutefois eu leur mot à dire lors du processus de décision. Un article de la constitution stipulant que la terre appartient à l’état, il peut donc reprendre n’importe quel territoire si cela le chante. Voilà mon premier contact avec le côté autoritaire du gouvernement rwandais.
A peine revenu à l’hôtel, nous nous préparons pour aller rejoindre la famille de Christine. Une fête a lieu aujourd’hui. Je pensais que ce serait un réveillon de Noël, mais j’ai été surpris. Une grande partie de la famille est là et je fais connaissance avec une multitude de cousins, d’oncles et de tantes. Je rencontre aussi le père de Christine, un vieil homme qui inspire le respect. Alors que nous dégustons un « sucré » (soda) sur la terrasse, un minibus surpeuplé arrive à l’entrée de la vieille maison familiale. C’est une partie de la belle-famille de Christine, chargés de caisses de sodas et de bières. Chacun se salue d’une accolade avant de pénétrer dans la maison. En ce jour de Noël, ce que nous fêtons est une sorte de cérémonie durant laquelle les petits-enfants sont présentés à leurs grands-parents. La tradition veut que les parents les présentent aux grands-parents pour qu’ils les reconnaissent et les bénissent. Le reste de l’après-midi se passe au rythme de longues tirades en kinirwanda entre les chefs de familles et de prières collectives. J’ai entendu dire récemment que les africains aimaient parler et cet après-midi ne fait que le confirmer. Après le repas, les enfants rencontrent les grands-parents et des cadeaux sont données aux deux familles, comme pour sceller une union entre elles. Cette expérience est très intéressante, mais la barrière de la langue limite ma compréhension, je ne peux que comprendre les grandes lignes. La fête se termine assez tôt, à la tombée de la nuit. Nous retournons alors en ville pour manger un petit quelque chose. De retour à l’hôtel, nous attendons minuit pour se souhaiter un joyeux noël. Puis la fatigue me submerge et je pars me coucher.
Le lendemain matin, nous nous rendons à la seconde messe de Noël de la cathédrale de Kigali. Elle est célébrée en anglais. Cette langue a remplacé le français dans l’administration et l’éducation rwandaise. Peut-être pour se distancier du passé colonial belge, où pour se rapprocher de l’allier américain ? Difficile d’en connaitre réellement la raison. La messe est intéressante, et animée par un cœur de Gospel très énergique. Avant l’office, quelques tambourinaires animaient la place située devant le lieu de culte. L’occasion pour moi de me remémorer quelques rythmes, joués au Burundi avec la troupe qui m’avait accueilli. Après l’office, la famille se sépare et je pars à nouveau avec Evode. On mange dans un petit restaurant de la capitale en discutant de ces expériences au sein d’organisations humanitaires. Il s’était destiné à être prêtre, mais les événements de nonante-quatre ont contrecarré ses plans. Alors qu’il cherchait du travail, il a été engagé dans une organisation d’aide aux réfugiés et a appris son métier de logisticien sur le tas. Il n’a jamais quitté ce domaine, qui l’a mené au Soudan du Sud, au Tchad et même un moment en Somalie. Il a maintenant une très bonne situation financière, qui compense les risques encourus lors de ses missions sur le terrain. Cet argent ne profite pas uniquement à sa femme et ses enfants. Ici, si un membre de la famille demande une aide financière, la coutume veut qu’elle lui soit accordée.
En rentrant à l’hôtel, je profite longtemps du wifi pour appeler ma famille et ma chérie, qui me manquent. Encore plus dans un jour comme celui-ci. Après avoir réussi à parler avec tout le monde, quelques membres de la famille d’Evode et Christine viennent à l’hôtel leur rendre visite. Nous discutons autour d’une traditionnelle brochette de chèvre, avant de se quitter pour aller voir Jean-Claude, le petit frère de Christine, que je connais depuis Entebbe. Une fois avec lui, nous partageons un bon et copieux repas. Je rencontre aussi une petite fille, l’enfant d’une autre famille invitée. Elle est fascinée par ma peau si claire et mes cheveux. Son admiration ne l’empêche toutefois pas de s’énerver, ne comprenant pas ce qu’elle essayait de me dire. Malgré tout, elle ne me lâche pas, si bien que lorsqu’elle et ses parents partent, elle me tire jusqu’à leur voiture pour que je les suive. Mais mon programme ne me permet pas de les suivre ; demain matin je repars déjà, en direction du Congo. Je vais enfin à Bukavu. J’en entends parler depuis longtemps et je me réjouis de voir cette ville de mes propres yeux.
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